Textes

 Y a pu’ d’saisons

L’hiver range son matériel et quitte la scène
il laisse la place au printemps un peu endormi
Ce dernier dépose ses sacs, baille et réagit
Il sait qu’il a du travail pour une installation sereine

Il se retrousse les manches, il fait froid
déplace toutes ses besaces avec effroi
Chacun de ses sacs lentement prend place
Mais vainquent les Saints de glaces, hélas

Le printemps désespère, il s’assoit
« Je n’y arriverai jamais, pas cette année »
Et alors qu’il s’endort dans la mort
Il entend un bruissement familier dans son corps

Il s’écoute dans un dernier sursaut et se rappelle enfin
Il n’est pas seul et il lui faut ouvrir ses sacs, il s’en souvient
Il se lève, rasséréné, titube un peu mais arrive
Tant bien que mal vers son bagage vert olive

Le sac est ouvert, le sac est tout vert
Le bruissement l’anime aussi
Puis d’un coup, la lumière s’échappe dans un fracas joyeux
Suivie des oiseaux, des abeilles et du ciel bleu

Ça y est, il est enfin installé, fort et fier
à nouveau il a réussi à faire fuir l’hiver
Il défait ses bagages, s’étale et sent
Que cette fois-ci, c’est pour longtemps, très longtemps

Tous les ans, le printemps espère qu’Il ne reviendra pas celui dont on tait le nom
Celui qui a le Soleil pour copain, celui que tout le monde craint
Parce qu’il est le plus beau et le plus aimé
Toujours sûr de lui, jamais prêt à douter

Cette année, le printemps en est sûr, l’été ne viendra pas
Il a dû partir en vacances au bord de la Méditerranée
ou alors il est devenu papa
ou bien encore il s’est mis à douter

C’est vrai : cette année il tarde, il n’arrive pas
Et pourtant, un jour de Juin, sans crier gare,
Le voilà qui prend place en fanfare
Il a le torse bombé et dit : « les gars, poussez-vous d’là, m’voilà »

Tous les oiseaux le regardent effrayés
Les végétaux en brunissent, ça y est !
Mais les Hommes, eux, le vénèrent
même si c’est leur pire adversaire

L’été se pavane et chauffe la Terre
il est aidé par les déchets, la fumée, la poussière
A eux quatre, ils deviennent dangereux
comme des chevaliers grognons qui voudraient qu’il n’y ait qu’eux

Et quand l’automne vient pour prendre sa place
ils le moquent dans une soupe à la grimace
L’automne en colère n’a d’autre choix
que de faire souffler les vents pour que les feuilles choient, puis s’en va

Heureusement encore mais pour combien de temps
Un quatrième héros lutte en silence
Pour ne pas laisser une seule saison dans le vent
détruire toute insouciance

C’est dans un effort surhumain que l’hiver vient
Il recouvre le soleil de son drap blanc
Et l’été qui déteste les froids glaçants
S’en retourne sur l’île d’où il vient

L’hiver vainc encore cette année mais il sait
Que comme l’été, il faudra l’aider
Pour la nature, les Hommes, le Monde entier
Garder la beauté dans un écrin doré

Raoul et Gaspard

Un jour, dans la cour de récré, y’avait Raoul qui f’sait encore des siennes
J’sais pas trop pourquoi, j’crois qu’il voulait la draisienne
Sauf que l’engin était déjà chevauché par Gaspard, un copain bavard

Alors Raoul, il a pris Gaspard et il a voulu en faire de la purée
Le pauvre petit faisait deux mètres de moins que Raoul ! Pas cool !
Il avait des bras, on aurait dit deux allumettes fluettes

Mais par miracle il a réussi à se défaire des griffes de Raoul
il a couru, couru, il a battu tous les records du monde
Et il est v’nu se planter dans les jambes de la maîtresse blonde
Il était tremblant, recroquevillé, en boule

La maîtresse, elle l’a défendu, elle a dit « Allez m’chercher Raoul ! »
Alors là, c’est Raoul qu’a pas trouvé ça cool
S’il avait pu s’cacher sous la selle de sa draisienne, il l’aurait fait
Mais bon pas facile de passer inaperçu après ce qu’il avait fait

La maîtresse elle lui a fait la morale, lui a dit qu’c’était mal
Raoul il a rosi de honte
mais moi je comprenais pas tout

Parce que j’les ai trouvés bébêtes Raoul et Gaspard
L’un qui tape, l’autre qui part
Ils auraient pu trouver une solution, c’est trop facile c’qu’ils font

Et la maîtresse, elle est un peu béb…, elle a manqué de discernement
Elle aurait pu contenter les deux garnements
Si elle avait dit « Gaspard, tu fais encore deux tours et tu prêtes à Raoul »

Parce que notre Raoul, il parle avec les mains
Ca fait pas de lui un moins que rien
Il lui faut juste un peu plus de temps
Pour apprendre à dire non entre ses dents

Et Notre Gaspard, lui, c’est un peu le contraire
On lui a fait croire qu’un gentil garçon n’est jamais en colère
Mais dès qu’il rencontre un Raoul, à cause de ça,
Tout son petit monde s’écroule, patatras !

Le problème du monde, c’est qu’il croit qu’il y a que deux solutions
Une meilleure que l’autre
Moi du haut d’mes trois pommes, je sais qu’il y en a une troisième au milieu
Mais pour l’emprunter il faut être courageux.

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